VIS à VIS avec UNIA

La deuxième réunion que nous avons organisée le 7 décembre pour recenser les services et les initiatives visant à lutter contre la haine en ligne dans la région de Bruxelles-Capitale a accueilli Patrick Charlier, codirecteur d’UNIA.

Questions posées à UNIA:
• Avez-vous des statistiques sur ce phénomène ? Quels indicateurs utilisez-vous pour suivre son évolution ?

UNIA reçoit régulièrement des rapports sur la discrimination dans le secteur des médias et de l’internet. Les données qu’ils obtiennent reflètent l’actualité du travail propre de UNIA. Mais ce n’est pas une étude exhaustive, scientifique. En ce qui concerne les rapport de médias, 90% des rapports sont des signalements de ce qui se passe en ligne (facebook, forum de discussions, twitter etc) et les 10% restants la télévision, les journaux, la presse etc.
Il y a également un manque d’informations et de données sur les utilisateurs âgés de moins de 25 ans.
La plupart des rapports que reçoit l’UNIA font état de Facebook, Twitter et d’autres réseaux sociaux, mais les jeunes n’utilisent plus Facebook, mais d’autres types de plateformes sur lesquelles l’UNIA n’a encore que peu de base pour agir. En ce sens, la sensibilisation devient également difficile car il devient important de connaître les codes et les langages spécifiques de ces plateformes (TIK TOK, Twitch etc..).

• Selon votre expérience, quelles sont les priorités actuelles en matière de prévention pour les jeunes? Quels sont les outils les plus efficaces dont disposent aujourd’hui les citoyens pour se défendre, combattre et prévenir la haine en ligne?

Ces dernières années, UNIA a constaté une augmentation considérable (doublement) du nombre de signalements. Ils ont dû faire des choix et accorder la priorité aux dossiers ou il y a une victime individuelle d’actes de haine. Il faut dire que, même si le phénomène de la haine en ligne est important et il y ait rarement une victime individuelle, dans le cas ou on vise quelqu’un en ligne on peut passer facilement de la haine à la diffamation, au harcèlement, aux menaces lesquelles sont des infraction pénales (transformation du discours haineux vers un comportement haineux). Dès que UNIA relève une infraction pénale peut efficacement instruire un dossier contre le coupable avec un réelle possibilité de le poursuivre en justice. L’utilisation des réseaux sociaux pour viser quelqu’un, c’est un phénomène vraiment tout à fait particulier mais qui est important notamment chez les jeunes.
Concernant les jeunes, pour UNIA le travail d’approche, de sensibilisation est assez compliqué surtout en raison de l’évolution rapide des canaux changent et aussi des codes de communication: les réseaux sociaux qui sont utilisée varient avec le temps mais aussi en raison des différentes tranches d’âge. Cela se concrétise en une réelle difficulté pour l’Institution d’être connue par les mineurs de 25 ans.

Un travail important de UNIA regarde l’identification des profils des victimes et des auteurs des messages.
A partir d’une analyse des chiffres et des signalements on a identifiés quatre types d’auteurs de messages haineux:
• Les premiers sont les passifs: celles ou ceux qui, suivant l’actualité, réagissent par un like ou vont retwitter les messages mais ne vont jamais poster des choses. Ils font quand-même augmenter l’aura et la notoriété des propos. Ils pourraient être aussi des algorithmes.
• Les deuxièmes sont les incidentalistes, celles ou ceux qui font recours de façon non systématique au discours de haine, juste pour attirer l’attention par la polémique mais sans avoir une conviction, une motivation profonde.
• Les troisièmes sont les soldats, celles ou ceux qui ont des convictions racistes, antisémites, homophobes, etc et qui sont régulièrement actifs dans la création et la diffusion des contenus haineux.
• Les derniers sont les “leaders” qui diffusent des messages de haine de manière organisée. Ce sont eux, pour UNIA, ce qu’on appelle des personnes qui font partie de la haine ou du racisme organisée, c’est à dire des personnes qui, consciemment, vont envahir les réseaux sociaux et construire une stratégie pour faire diffuser leur messages ( notamment auprès des « soldats »).

Les deux premières catégories, les passifs ou les incidentalistes Il est souvent plus intéressant de proposer des mesures alternatives, des mesures éducatives et d’accompagnement, s’intéresser pour savoir qui est derrière eux et quel type de réponses donner.
En revanche, pour le troisième et le quatrième type, ayant plus une forme de haine idéologique et de racisme idéologique, il faut les sanctionner et UNIA travaille précisément pour obtenir des sanctions et des condamnations. Dans ce contexte, il apparaît que les temps de la justice sont trop longs par rapport à ceux des médias et de la diffusion des messages de haine. Mais en même temps la condamnation d’un comportement liée à la diffusion ou la création des contenus haineux a des effets préventifs.
Les vertus pédagogiques d’une condamnation font que on puisse dire, « attention, ce que vous dites » si quelqu’un a été condamné pour ça.

En ce qui concerne la publique cible, les femmes, surtout d’origine étrangères, sont plus susceptibles d’être ciblées par des messages haineux que les hommes.

Les algorithmes sont un autre élément qui joue un rôle dans le signalement des messages haineux. Selon “La Régulation des contenus haineux sur les réseaux sociaux” la proportion des algorithmes qui régulent a augmenté. Les associations, des ONGs ont mis en place des mécanisme d’intelligence artificielle pour détecter les messages haineux en particulier sur la pédopornographie, la criminalité et le copyright. Et donc au niveau mondial ce sont des machines qui cherchent automatiquement, faisant un screening vraiment de toute la toile. Et dès qu’ils constatent quelque chose, ils envoient auprès de réseaux sociaux un signalement et c’est encore une machine qui va filtrer et supprimer le contenu. On a une dizaine de millions de messages supprimés via ce mécanisme artificiel, sans intervention humaine.
Les juristes et les Etats sont absents de la construction et de l’utilisation des algorithmes, on a donc une censure sans contrôle démocratique, juridique, étatique.
Ce système automatique limite la liberté d’expression, parce que, en plus, parfois les machines se trompent et donc ça ce n’est pas la solution.

Les priorités en matière de prévention sont d’éduquer aux médias et former à l’acquisition d’un esprit critique. Il y a un travail à faire sur différent tranches d’âge, comprendre les codes de l’Internet et la dynamique et le public cible qu’on veut sensibiliser.
Pour parler aux jeunes, les éduquer et les sensibiliser, il est nécessaire de parler dans un langage qu’ils connaissent, d’utiliser des exemples qui leur parlent, pour pouvoir parler avec eux et non à côté d’eux

Ces dernières années, UNIA a lancé des campagnes dans les écoles dans lesquelles les participants devaient créer des clips d’une minute sur une thématique donnée.
Les campagnes ont vu une grande participation, donc émerge une prise de conscience et de compréhension des phénomènes qui prouve que les jeunes sont intéressés et engagés.

• Selon vous, quelle est la meilleure façon de coopérer les uns avec les autres? En d’autres termes, comment pouvons-nous créer ce pont entre ce que nous recevons et votre service de reporting?

UNIA peut apporter un caractère juridique au guichet et il y a la possibilité d’organiser une séance de formation aux organisations du guichet.
En plus, les deux parties pourront se rencontrer à l’occasion du signalement au guichet de situation haineuses et donc discuter ensemble la conduite à tenir sur de cas pratiques.