Nous avons rencontré Françoise Goffinet de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) afin d’identifier les services et initiatives de lutte contre la haine en ligne dans la région de Bruxelles-Capitale et de comprendre le rôle de l’institut à ce sujet. Nous avons demandé:
- Quelles sont les compétences attribuées à l’IEFH pour lutter contre la haine en ligne?
- Quelles sont les priorités en matière de prévention que vous avez enregistrées l’année dernière ?
- Quels outils utilisez-vous ou envisagez-vous de mettre en place pour aider les citoyen·ne·s à se défendre, combattre et prévenir la haine en ligne?
- Quelles suggestions pouvez-vous faire à un projet tel que Vis à Vis pour mettre en place un guichet d’assistance aux victimes?
Depuis le 1er juillet 2020, le législateur a explicitement attribué à l’Institut la compétence d’assister les victimes de la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel (revenge porn).
Le revenge porn consiste à diffuser des images de nus ou à caractère sexuel sans l’autorisation de la personne qui apparaît sur ces images. Peu importe que la personne représentée ait donné l’autorisation de créer ces images ou qu’elle les ait créées elle-même ; dès lors que cette personne n’a pas donné l’autorisation de montrer ou de diffuser ces images, il est question de revenge porn. Le terme « revenge porn » suggère que les images sont diffusées dans un but de vengeance, mais en réalité, les motifs des auteurs peuvent être divers :
- Ils/Elles peuvent utiliser les images pour menacer la victime, ou pour la forcer à donner de l’argent, à fournir d’autres images, à effectuer des actes sexuels, ou encore pour la faire taire à propos d’un autre délit, …
- Ils/Elles peuvent vendre les images à des tiers, par exemple des sites internet.
- Ils/Elles peuvent montrer les images à leurs ami-e-s pour s’amuser.
Le législateur donc utilise le terme plus général de « la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel ».
L’impact de la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel est énorme. Une fois qu’une photo de nu ou à caractère sexuel sur laquelle vous apparaissez circule sur internet, il est difficile de la supprimer. C’est possible que vous y soyez constamment confronté-e. La peur par rapport aux réactions de vos connaissances peut également être très nocive pour votre bien-être mental. Peut-être aurez-vous le sentiment de devoir déménager ou changer d’emploi, ou de devoir vous retirer complètement du monde numérique.
C’est précisément parce que la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel peut causer d’importants dommages à la victime et à la société dans son ensemble que le législateur l’a rendue passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans. En fonction de l’âge de la victime et de l’intention de l’auteur-e, des peines plus lourdes sont possibles. Ces sanctions s’appliquent à la fois au diffuseur initial (qui peut également être le créateur des images) et à toute personne qui montre ou diffuse les images par la suite. Cela inclut les plateformes internet qui refusent de retirer les images sur ordre du juge ou à la demande du ministère public. Les plateformes risquent des amendes allant jusqu’à 15.000 euros.
L’Institut a élaboré un manuel qui explique, étape par étape, comment procéder pour signaler vous-même des images auprès des plateformes afin de les faire supprimer. D’autres plateformes viendront s’ajouter à ce manuel au fil du temps. Le manuel explique également comment déposer plainte à la police, ainsi que les conséquences d’une plainte.
Si vous craignez que vos images intimes soient ou seront partagées, vous pouvez télécharger vos images de manière préventive sur le site https://stopncii.org/. Ce site web a été développé par UK Revenge Porn Helpline, une organisation qui a des années d’expérience avec ce phénomène. Via ce site, vous pouvez télécharger des images intimes. Ces images seront transformées en une empreinte numérique (un « hash »). Sur la base de cette empreinte, l’image peut être reconnue, mais elle ne peut pas être reconstituée. Cette empreinte (et donc pas l’image en elle-même), est partagée avec d’autres réseaux sociaux, tels que Facebook. Lorsque quelqu’un essayera de partager cette image, elle sera reconnue sur la base de son empreinte numérique et bloquée.
Le site web permet également, si vous le souhaitez, d’être tenu au courant du processus et donc de voir si l’image a déjà été bloquée. Vous pouvez uniquement utiliser ce site si vous étiez majeur.e lorsque l’image a été créée.
Si vous êtes victime de la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel, l’Institut peut vous aider en vous informant à propos de vos droits, de vos obligations et de vos possibilités d’actions (par ex. vous souhaitez obtenir davantage d’informations sur la suppression des images, ou bénéficier d’une aide pour ce faire), en vous apportant son soutien et parfois en entreprenant des démarches judiciaires avec vous (par ex. vous voulez déposer plainte auprès de la police mais vous souhaitez des informations sur les conséquences de cette plainte). Vous pouvez prendre contact à tout moment avec l’Institut, dans l’anonymat le plus complet et sans aucune obligation: l’Institut traite toute question, signalement ou plainte de manière confidentielle et n’entreprendra jamais des démarches sans votre accord.
Vous pouvez contacter l’Institut si vous êtes vous-même victime de la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel (et ce quel que soit votre sexe ou votre genre), mais aussi si vous avez connaissance de la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel ou si vous avez tout simplement une question à ce sujet. Par ailleurs, l’Institut collabore également avec différents partenaires afin d’aborder le phénomène de manière structurelle.
L’Institut peut uniquement traiter les signalements concernant la diffusion non consensuelle d’images et d’enregistrements à caractère sexuel impliquant une victime majeure. Si la victime est mineure, vous pouvez prendre contact avec Child Focus en appelant le numéro d’urgence gratuit 116 000 (24h/24) ou en envoyant un e-mail à l’adresse suivante : 116000@childfocus.org.
L’Institut a mené des recherches sur le sexisme et le revenge porn: il en ressort que 1% des Belges ont été victimes de revenge porn. 15% des femmes et 3% des hommes ont déjà subi des pressions les poussant à prendre ou à faire prendre des photos dénudées. 15% des femmes et 7% des hommes ont déjà reçu des photos dénudées non sollicitées.
En 2023, outre l’ouverture de nouveaux CPVS (Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles), un nouveau site sur les violences sexuelles sera mis en ligne et le projet campus (développé par Plan International Belgique) informera du sujet dans les universités et hautes écoles du pays. Le nouveau code pénal protègera mieux les victimes de harcèlement notamment sur internet.
Cela demande de former de nombreux intervenant.e.s tant dans la magistrature qu’auprès de tous les futur.e.s professionnel.le.s (droit, médecine, services sociaux …) et la police locale pour faciliter l’accueil et le dépôt de plaintes afin de lutter contre le sous-rapportage!
Il est important de collaborer avec les entités fédérées, que ce soit dans le plan intro francophone de lutte contre les violences faites aux femmes ou le plan droits des femmes 2020/2024 de la FWB. Le soutien aux initiatives locales doit aussi passer par ce niveau tout comme la sensibilisation des communes. Le soutien au monde associatif est également essentiel. La communication est donc essentielle et notamment au niveau local. Le rôle d’un guichet est donc essentiel.
Contactez-l’IEFH :
- en appelant le numéro gratuit 0800/12 800
- en remplissant le formulaire de signalement en ligne
- en envoyant un e-mail à l’adresse suivante : egalite.hommesfemmes@iefh.belgique.be
- en utilisant le formulaire de contact